Ce n’est pas un roman proprement dit. C'est une balade.
Elle dit bien des choses sur quelques habitants d’un village ; un laitier et une boulangère, un voisin et une voisine, le narrateur et sa compagne, un pianiste et une violoniste. Elle dit sur la rencontre de ces gens, quelques moments de leur vie.
Il n’y a pas d’intrigue. À quoi bon perturber les lecteurs avec toutes ces choses ; ils ont peut-être besoin de repos.
Bonne lecture, je vais boire un café en attendant,
Ainsi frais, rasé, rêveur et princier, le laitier alla à la traite d’une chèvre amicale, toujours aimable et unique au village. Une chèvre en belle humeur, comme souvent alentour et tout le monde en prenait bien grand soin aux petits oignons comme on dit. Mais pas des petits oignons pour accompagner la chèvre sur une assiette, même en porcelaine bien lisse et colorée. Personne ne voulait qu’elle soit transformée et tout le monde la voulait bien entière avec toute l’attention davantage.
— Les chèvres et nous c’est pareil, on vient tous du bon Dieu, disait une voisine du village, si lointaine, qu’elle n’en finissait plus. Et même loin dans l’âge, car à 90 ans et quelques, elle était bien plus dans le temps que nous.
La chèvre était toujours bien entourée il faut dire. D’abord une belle étable pour la protéger de l’eau tombante, avec une fenêtre délicieuse où la chèvre passait le regard parfois. Et la même belle étable pour la protéger des loups tombants, car il est toujours possible qu’un loup lui tombe dessus et c’était quand même mieux qu’il lui tombe à côté. Le loup pouvait bien aller voir ailleurs après tout ; une autre chèvre serait assez capable si besoin.
Le lait trait, le laitier quitta la scène, la petite scène de l’étable, changea son costume et sortit au grand jour. Chaque habit pour chaque scène voulait-il ; dans l’étable, à l’extérieur, chez lui.
— O soooole miiiiio !
Pour encourager le lever du jour qu’il voyait venir au bout du champ, le laitier chantonna ces paroles tout à fait italiennes et charmantes. Elles annonçaient le soleil. Ça valait bien une telle chanson pensait-il.
La chèvre, de son côté resta chez elle, une petite maisonnette au coin du champ. Une étable n’est-ce pas.
Placide, un peu rêveuse peut-être, elle mit cependant le nez dehors, sentit que l’air était bon, même approprié, et se jeta à corps perdu dans l’immense champ au coin des fleurs. « Se jeter », c’est une façon d’annoncer. Bien sûr une chèvre n’allait pas se jeter ainsi. Imaginez un peu. Non. Elle alla, pleine d’enthousiasme c’est vrai, vers les pâquerettes et les campanules qui lui disaient bien. C’était peut-être l’été alors. L’été ! pourquoi pas, les fleurs après tout.
Comme on dit que la chèvre avait une étable, on peut de même dire que l’étable avait une chèvre. Ainsi elles étaient quittes. Une étable si joliment colorée et le champ bien fleuri alentour. C’était vraiment l’été alors.
Un champ fleuri c’est quelque chose. Ça ne peut pas nous tromper sur la saison.
Toutes ces couleurs florales au milieu de l’herbe verte et généreuse, et si pleine de chlorophylle, avec une dédicace spéciale pour la chèvre.
La chèvre aimait tout ça pensez bien. Tout ce bucolique. Toutes ces couleurs.
On pourrait même dire des couleurs pastorales.
— La couleur était aussi dans les airs, me dit chérie en guise de commentaire, en relisant mon chapitre.
— Oui oui c’est vrai.
— Elle volait c’est-à-dire. Il suffisait alors de regarder les papillons et les libellules et de voir qu’ils étaient comme des couleurs en plein vol.
— Oui, des couleurs qui volent.
— Les papillons seraient bien invisibles sans la couleur !
— Les couleurs pourraient bien disparaître c’est vrai.
— Tu te rends compte un peu de ça, un papillon sans la couleur, m’exprima son opinion ma chérie.
— Je préfère ne pas y penser. Ce ne serait certainement pas horrible, mais tout de même ce serait.
— Et si les couleurs n’existaient pas, ou disparaissaient d’un coup.
— Là ce serait horrible. Enfin ce serait méconnaissable. Pauvre Picasso !
— Et la camomille, tu ne trouves pas qu’elle a du blanc autour du jaune, comme un œuf au plat.
— Oui je trouve. Et alors les pucerons sur la fleur, imitent le poivre sur l’œuf.
— C’est inouï quand on y pense c’est sûr ma chérie. La nature alentour essayait déjà de nous imiter sans doute.
Le laitier, encore plein de vigueur et d’espoir, les deux pots de lait bien en main, s’en retourna chez lui, une petite maisonnette au coin du bois. Le bois lui-même au coin du feu. C’était peut-être l’hiver alors ! oui, ça pouvait bien être ça. Une cheminée en route, ça indique ! L’été avait dû s’égarer avec la chèvre.
L’hiver ou l’été, on ne savait plus trop où mettre les saisons c’était sûr.
Dans le village le laitier venait toujours du haut. Le lait penchait un peu et les automobiles venaient du bas. Les gens dedans penchaient un peu aussi. Le village était sur une pente, alors, vous comprenez, tout penchait. Même les maisons. Pour être droites, elles penchaient par rapport à la pente. C’était inouï sûrement.
Chez certains quand ils parlaient ça penchait aussi. C’est qu’ils n’étaient pas toujours droits dans leurs chaussures.
Les oiseaux, eux, faisaient plutôt comme ils voulaient. Ils penchaient dans un sens s’ils allaient dans un certain sens, dans l’autre sens s’ils allaient dans un certain autre sens. Ils ne voulaient pas non plus contredire les courants d’air. Il valait toujours la peine que les oiseaux s’entendent avec les courants d’air à vrai dire. Et puis, s’ils avaient faim, ils allaient plus vite avec le vent. C’était quand même plus correct pour respecter la faim. Enfin, un petit vers qui se promène n’a qu’à pas se promener.
Ce texte n'est pas publié. À vrai dire il s'ennuie un peu tout seul, même au coin du feu.
Si toutefois vous souhaitez en lire plus, je peux vous envoyer par PDF quelques chapitres, sans vous demander de l'argent ; j'en ai un petit peu de côté encore.