Ce qui suit est un récit. Des gens disent que c'est une promenade. Soit. Si vous commencez par le début, vous finirez par la fin. Mais vous pouvez tout aussi bien faire comme vous voulez. Voulez-vous ?
à suivre
à la fée Carabosse
Il y a dans le jardin vue d’ici à côté du pommier une prune et plutôt petite. Si l’on se couche sur l’herbe, le soir elle est juste à gauche du soleil qui est un peu plus gros qu’elle… un peu avant le réveil de la lune, peut-être une heure avant. Une heure tranquille.
Pendant la journée et la journée est parfois longue, en été surtout le soleil est visible plus longtemps et aussi un peu plus gros. Il peut donc parcourir une plus longue distance. Les journées sont plus étendues qu’en hiver. Il nous accompagne un temps plus appréciable et la prune apprécie plus longtemps le soleil. Il n’y en a pas qu’une mais comme il y en a beaucoup une seule suffit à vous donner l’idée d’une prune, au bout de la branche qui doit être bien fine et légère.
Il y a donc aussi un prunier qui est en partie caché par les prunes. Au-dessus du prunier il y a le ciel. Des gens lui font coucou le matin.
Si l’on repose la tête entre les mains, comme ça : hooop hoooooooop hooop ! les coudes bien au sol, en laissant l’herbe nous chatouiller on peut voir qu’une fleur sous le pommier ressemble à un parasol et protège ainsi les coccinelles. On peut voir aussi les coccinelles si l’on attend un peu. Si l’on est pressé ça arrive.
À vrai dire les pommes ne tombent jamais sur les coccinelles ; elles sont attentives sauf par hasard. Plus tard sur la planète, disons par là où se lève le soleil, et se couche aussi pour être quitte comme on dit, certaines fleurs, comme ça : hooooooooop, hop hop hop hop hop ! ou comme ça : T T T, ressemblent à une ombrelle, et protègent aussi du soleil les libellules.
En hiver les journées étant plus courtes, parce que les nuits sont plus longues, le soleil préfère se dépêcher. Le froid l’incommode beaucoup trop et à cause de la petiteté du jour, le soleil n’a pas besoin de rester plus longtemps. Il peut donc, pendant qu’il fait nuit chez nous, aller de l’autre côté de la planète, là où le jour pourra s’occuper de lui, qui sera alors en toute certitude plutôt chaleureux pour l’accueil, et pourra aussi, comme chez nous, enchanter les oiseaux, qui ce matin chantaient en retour, et enchantaient nos ouïes.
En automne les journées sont comme ci comme ça, passagères et se laissent aller, comme les feuilles, qui apprécient le paysage en tombant, comme ça : l’une d’un petit côté, l’autre d’un petit autre côté. Les journées savent cependant que l’hiver n’est pas très loin. Les feuilles changent de couleurs, en espérant que les nouvelles couleurs iront bien, et iront bien au paysage aussi. Le ciel ne s’en fait pas. Des gens parfois lui font coucou.
De l’autre côté de la planète, disons vers le bas il se passe la même chose. Les journées sont aussi comme ci comme ça. Quand c’est l’automne ici c’est là-bas le printemps. Les fleurs poussent aussi petit à petit jamais d’un coup. Les hippopotames gambadent le nez tout frais dans l’eau bien fraîche. D’un côté les poissons nagent dans les mêmes eaux sans trop se faire remarquer, par de plus gros poissons et de l’autre côté de la rivière l’eau continue de s’écouler sans trop se faire remarquer non plus. Le soleil pourrait l’évaporer assez vite. Le soleil n’a pas de cœur.
Les hippopotames n’entrent pas dans les ruisseaux, les petits poissons si. Les moyens poissons restent dans les rivières et attendent les petits poissons aux croisements de la rivière et des ruisseaux, pour jouer à la dînette, et les gros poissons restent dans les fleuves et attendent les moyens aux croisements de la rivière et des fleuves, pour jouer à des choses plus sérieuses que la dînette. C’est un choix.
Dans les ruisseaux de notre côté de la planète, dans le nord, les petits poissons n’ont pas de complexes, il n’y a pas d’hippopotames et les gros poissons ne sont pas bien différents que dans le sud. Ils n’ont donc pas de raisons d’être plus ou moins intimidés. S’ils le sont un peu plus c’est qu’ils ne peuvent pas l’être moins. Les petits poissons ne bronchent pas beaucoup devant les gros et essaient de rester des petits poissons. Ils ne se font pas remarquer. Les moyens poissons font de même et les gros sont des gros. Ils essaient de ne pas ressembler aux petits etc.
Au printemps les journées sont comme en automne, même de l’autre côté de la planète. Les couleurs se mettent d’accord entre elles et se préparent à accueillir l’été ou l’hiver. Les feuilles remontent sur les arbres, et reparaissent par les bourgeons, après que les racines les ont absorbées. En automne elles font l’inverse, elles préfèrent tomber pour se réchauffer sous la neige où le sol est plus chaud, et la neige sourit. Pour cela elle scintille. Mais elle n’est pas dupe, elle sait que le printemps est juste au coin de la rue, et que des fleurs vont lui ravir la vedette. Ravir la vedette est une espression. Il y a beaucoup d’espressions. Ça veut dire prendre la place de quelqu’un d’autre. Plus ou moins. Plus ou moins ça veut dire ça. Une autre espression, pas moins inoffensive, ou belliqueuse selon le point de vue, dit à peu près la même chose, à quelques significations près ; Qui va à la chasse perd sa place. Qui ne va pas à la chasse ne la conserve pas pour autant.
En été les prairies etc. etc.
un temps, petite pause
Il y a donc dans le jardin vu d’ici à côté du pommier une petite prune, près de laquelle je passai un matin bien tôt et qui avait poussé seule, sans personne pour l’aider mais elle n’avait eu besoin de personne. La pomme aussi poussait sans non plus personne pour l’aider. Elle tombe aussi parfois toute seule, comme la prune. Elle est grande. Des gens parfois peu pressés passaient devant elle s’en allaient tout pressés. Une pomme peut vous tomber dessus sans rien dire.
À côté de la flaque à poisson car il y a une flaque à poisson il y a un prunier, le même sûrement qu’au début avec une prune bien jolie, et à côté du prunier un pommier, avec une pomme bien aussi jolie. Ici toutes les prunes et les pommes sont jolies. Et si elles ne le sont pas c’est parce que l’hiver est passé dessus, ou un camion. Il faut alors mettre des panneaux sur les bords de route ; attention pommes et parfois prunes.
Voilà la prune (dessin)
Voilà la pomme (même dessin que précédent)
Et côte à côte (l’une plus petite que l’autre)
Si vous vous couchez dans le pré, en laissant le vent passer juste au-dessus de vous avec les cheveux qui bougent, mais un peu seulement sinon ça fait peur aux abeilles qui se baladent, vous pouvez voir la pomme aussi grosse que le soleil, qui est loin derrière les branches (dessin de lunette : une première branche, une autre branche, une autre autre branche)
Le matin comme certains jours de la semaine, pas tous les jours mais il y en a plusieurs je me rends à la boulangerie pour acheter du pain frais pas trop cuit croustillant. J’avais ce premier jour-là le temps je m’arrêtai alors d’un arrêt bien long. La prune était plutôt sans parole et je n’étais pas plus parlant.
J’étais bien plus écoutant. Elle était tout ouïe. La pomme avait beaucoup plus à dire, mais elle était timide. Elle n’a rien dit. Je devinai, comme je voulais deviner quelque chose, qu’elle se demandait si le soleil avait été amical au réveil du monde. Dès fois que ! Ainsi font les marionnettes au petit matin. Elles font semblant d’être des humains et se posent des questions.
Ayant ce jour-là plutôt faim je mangeai la pomme qui me le rendit bien.
Bien sûr une pomme ne parle pas comme chacun sait, pas plus qu’une prune mais il faut imaginer des choses pour que ces choses soient imaginables.
Le récit est publié dans un recueil, qui comprend :
imprimé à 100 exemplaires, numérotés, aux éditions Clément Courrèges, en vente à 20 €.
Disponible à la boutique de la Savonnerie de la Principauté à Senones, ou sur commande.